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Découvrir et apprendre

Histoire complète du portugal (2ème partie: La pèriode musulmane)

Après avoir pénétré dans la péninsule Ibérique en 414 comme fédérés de l'Empire romain, les Wisigoths avaient fondé un royaume avec Toulouse comme capitale, puis Tolède, après avoir été battus par les troupes de Clovis, roi des Francs, lors de la bataille de Vouillé en 507; les Wisigoths ont alors été contraints de laisser un vaste territoire aux Francs, le midi de la France.  En 575, les Wisigoths conquirent le royaume des Suèves situé dans le nord du Portugal et l'actuelle Galice.

Quelque deux siècles plus tard, en Hispania, les Wisigoths furent chassés à leur tour en 711 par les Maures débarqués à Gibraltar. Ces conquérants installés d'abord au sud de la péninsule Ibérique n'étaient pas des Arabes, mais des Berbères islamisés venus du Maroc et de la Mauritanie (d'où le nom de «Maures»); les troupes maures étaient constituées de guerriers berbères, alors que seuls les chefs et les officiers étaient arabes. En ce sens, on peut parler de conquête arabo-musulmane. Celle-ci se terminera en 1492 par la victoire des troupes de Ferdinand d'Aragon et d'Isabelle de Castille à Grenade sur les musulmans menés par le sultan Boabdil.

4.1 Précision des notions

Aujourd'hui, le mot «musulman» sert à désigner les adeptes de l'islam. Toutefois, le mot «musulman» ne fut employé en français qu'au XVIe siècle; le mot «islam» ne fut attesté qu'en 1697. À l'époque de l'occupation musulmane, les mots muçulmano et Islãm n'étaient pas davantage connus en portugais (lequel n'existait pas encore), ni en castillan. C'était alors l'époque romane, d'où surgiront plus tard le castillan et le galaïco-portugais, l'ancêtre du portugais et du galicien. Les termes employés couramment pour désigner la religion de l'islam étaient, selon les langues d'aujourd'hui en français la «loi de Mahomet» ou «loi des Sarrasins»; en espagnol la "Ley de Mahoma" ou la "Ley de los Sarracenos"; en portugais la "Lei de Muhammad" ou la "Lei dos Sarracenos"). Ceux que l'on désigne comme des «musulmans» ("Muçulmanos" en portugais) étaient nommés par les termes «Maures» ou «Sarrasins» ("Mouros" ou "Sarracenos" en portugais).

En principe, le terme Maure (du latin "Mauri") servait à désigner les Berbères d'Afrique du Nord, des Africains censés venir de la Mauritanie, le «pays des Maures». Quant au mot «Berbère», il s'agit à l'origine d'un mot employé par les Romains pour nommer les «Barbares», lui-même issu du grec βάρßαρος (ou bárbaros) signifiant «étranger»; le mot sera modifié par la suite en «Berbère». À partir du VIIIe siècle, le terme «Maure» sera synonyme de toute personne pratiquant la «religion de Mahomet», ce qui désignera tout musulman (même si ce mot n'existait pas encore) vivant en Hispania, qu'elle soit d'origine berbère, arabe ou ibérique.

Il existe aussi un autre terme pour désigner les Maures: Sarrasins. Ce mot d'origine latine, "Sarraceni", servait à désigner les Arabes venant de l'Orient. D'ailleurs, en arabe, le mot "sarqîyîn" signifie «habitants du désert». Mais les habitants de l'Hispania favorisèrent "Moros" ou "Mouros", alors que les habitants du royaume de France privilégièrent «Sarrasins» (attesté seulement en 1100). Bref, les mots «Arabes», «Maures» et «Sarrasins» étaient souvent synonymes. Aujourd'hui, les termes «Maures» et «Sarrasins» ont été pratiquement oubliés, mais les Occidentaux continuent d'employer faussement comme synonymes les mots «Arabes» et «musulmans», alors que ces mots ne sont pas équivalents: d'une part, les musulmans ne sont pas tous arabophones, d'autre part, les arabophones ne sont pas tous musulmans

Au final, lorsque, dans le cadre de cet article, les mots «musulmans» et «islam» sont employés, il faut se souvenir que ces mêmes mots n'existaient pas à l'époque de la conquête arabe en Hispania.

4.2 La Conquête musulmane

En avril 711, un contingent d'environ 12 000 soldats, pratiquement tous berbères, commandés par le gouverneur de Tanger, Tariq ibn Ziyad, débarqua à Gibraltar pour commencer la conquête des royaumes chrétiens de l'Hispania.  L'invasion arabe poursuivait en principe un objectif religieux: celui de répandre la religion de l'islam en Europe, mais le pillage faisait aussi partie des «récompenses». Pour cette raison, l'antagonisme hispano-roman et arabo-musulman devint une lutte entre deux civilisations, le monde chrétien, d'une part, le monde musulman, d'autre part, les uns et les autres se traitant d'«infidèles».

Rapidement, les guerriers maures prirent Séville, Ecija et Cordoue, la capitale. Tout le Sud était acquis dès cette même année, puis vinrent la Catalogne en 712, le royaume de Valence et celui d'Aragon en 714. En 1716, dans la dernière phase de leur campagne militaire, les Maures atteignirent le nord-ouest de la péninsule, l'actuelle Galice, où ils réussirent à prendre possession des villes de Lugo (Galice) et de Gijón (Cantabrie). Les Maures s'approprièrent toute la péninsule Ibérique en moins de cinq années, sauf les îles Baléares qui résistèrent durant près de deux siècles (jusqu'en 903). L'empire des Wisigoths fut complètement anéanti par les Maures.

En 718, les Arabes franchirent les Pyrénées et envahirent le Languedoc, puis se rendirent jusqu'à Nîmes en Provence, d'où ils ramenèrent en Hispania un grand nombre de captifs. La progression arabe ne fut arrêtée qu'en 732 à Poitiers (France) par Charles Martel (vers 690-741), le souverain du royaume des Francs. Mais pendant trois cents ans, la France allait être attaquée par les Maures, qui seront appelés «Sarrasins», mot attesté pour la première fois en français en 1100. Il faudra deux siècles de guerres acharnées, des milliers de constructions détruites, des ravages et des épidémies innombrables, pour mettre fin à l'occupation musulmane en France et dans la péninsule Ibérique.

Pendant que les Maures de l'Hispania franchissaient les Pyrénées en 718, le chef wisigoth Pélage (ou "Pelayo"), réfugié avec une petite armée dans les montagnes du nord de la péninsule, fomenta une révolte contre les autorités musulmanes de Gijón (Cantabrie). Il tendit une embuscade au détachement militaire du nord de la péninsule, lequel fut décimé lors de la bataille de Covadonga en 722. Bien que cette victoire chrétienne fut avant tout symbolique, car elle n'impliquait que quelques centaines de soldats berbères, elle permit au royaume des Asturies de rester indépendant du califat de Cordoue. Pélage devint le premier roi des Asturies et fut surnommé «el  Restaurador», c'est-à-dire le restaurateur, celui qui répare.

Par la suite, les Asturies demeurèrent le grand foyer de résistance chrétienne autour d'Oviedo contre la domination musulmane dans toute l'Hispania. En somme, parce que la frange nord de l'Hispania se libéra des Maures en 722, la péninsule Ibérique ne fut jamais entièrement occupée par les musulmans. Lorsque ces derniers prirent les Baléares en 903, le royaume des Asturies, comprenant alors le Pays basque, la Cantabrie, les Asturies et une partie de la Galice, était déjà indépendant. 

Les musulmans désignèrent en arabe le territoire conquis comme l'Al-Andalus, l'Espagne musulmane ("España musulmana"), qu'ils gouvernèrent durant cinq cents ans dans le cas du Portugal et huit cents ans dans le cas de l'Espagne. En 716, apparut pour la première fois sur une pièce de monnaie le terme al-Andalus, lequel donnera Andalucía en espagnol, Andaluzia en portugais et Andalousie en français. Au début de la conquête, les Arabes étaient fort peu nombreux par comparaison aux populations autochtones, car les troupes maures étaient constituées de guerriers berbères, alors que seuls les chefs et les officiers étaient arabes. Au Xe siècle, l'Al-Andalus devint un foyer de haute culture et attira un grand nombre de savants. La ville de Cordoue devint aussi la plus grande ville d'Europe, qui brilla par son essor scientifique et artistique. Les Arabes divisèrent l'Al-Andalus en un grand nombre de petits territoires nommés taïfas : taïfa d'Almeria, taïfa d'Arcos, taïfa de Badajoz, taïfa de Majorque, taïfa de Béja et d'Evora, taïfa de Cordoue, taïfa de Grenade, etc. Ces taïfas étaient généralement classées d'après l'origine ethnique de leur dirigeant, chef ou émir : il y avait des taïfas berbères, des taïfas arabes, etc. Les taïfas se faisaient fréquemment la guerre entre elles.

 

Le califat de Cordoue (viiie-xe siècle), fondé en 756, connut son apogée sous Abd al-Rahmān III (912-961). Les chrétiens de la péninsule se réfugièrent dans les royaumes restés indépendants au nord (les Asturies, le Léon, l'Aragon et les Pyrénées), tandis que la religion et la civilisation musulmanes s’implantaient rapidement dans le reste de la péninsule. C'est surtout dans le sud de l'Hispania que l'influence arabe s'est fait sentir davantage.

Après l'invasion de la péninsule, la langue arabe fut adoptée comme langue administrative dans les régions conquises. Presque toute la péninsule connut une forte arabisation, en raison d'abord de l'immigration, puis aussi à cause de l'influence du Coran, le livre sacré de la nouvelle religion, qui devait être lu en arabe. L'occupation musulmane favorisa la dispersion et le repli des chrétiens vers le nord, mais aussi le morcellement du roman qui se fragmenta en castillan, en andalou, en catalan, en navarrais, en aragonais, en asturo-léonais, en galaïco-portugais, etc. Les zones les plus arabisées furent l'Andalousie (l'Al-Andalus) et le centre de l'Espagne jusqu'à la vallée de l'Èbre au nord-est, qui ont constitué l'Al-Ándalus (l'Espagne arabe).

4.3 L'influence de l'arabe en galaïco-portugais

Malgré les nouveaux changements politiques et économiques, malgré les innovations culturelles et scientifiques introduites par les conquérants musulmans, les populations autochtones de la péninsule continuèrent à parler leur langue locale tout en empruntant des mots d'origine arabe ou mozarabe. C'est dans le lexique que la langue arabe exerça la plus grande influence : le portugais moderne enregistre environ 1000 mots d'origine arabe (contre quatre à cinq fois plus en castillan), surtout dans les domaines de l'agriculture, du commerce et de l'administration, le tout sans contact avec les autres langues romanes, sauf pour le castillan. L'influence de l'arabe fut beaucoup plus faible en galicien.

Beaucoup de mots portugais d'origine arabe sont facilement identifiables par les préfixes al- (correspondant à l'article défini arabe [o]) ou od- (signifiant «fleuve»), bien que celles dans lesquelles al- ne forme pas une syllabe puissent avoir une racine distincte (cas d'Alentejo ou Alexandre). Voici quelques exemples de mots portugais d'origine arabe: açúcar («sucre»), alface («laitue»), laranja («orange»), arroz («riz»), alfândega («coutumes»), armazém («magasin»), bairro («district»), almanaque («almanac»), álgebra («algèbre»), almirante («amiral»). L'influence arabe est aussi visible dans les toponymes arabes au Portugal, principalement dans le sud du pays, de tels comme Algarve et Alcácer Sal et Odemira. Et ces mots ont été assimilés au fur et à mesure que la Reconquête a progressé au centre-sud du Portugal.

Le nom de «Portugal» tire son origine du port situé à l'embouchure du Douro, Portucalem, signifiant «port de Cale», une association de Portus, future ville de Porto, et de Calem, future Vila Nova de Gaia. Le territoire, confié à l'autorité d'un comte, prit le nom de Terra portucalensis (littéralement «pays de Portucale»). Les autres régions plus au sud, qui devaient constituer plus tard le Portugal demeurèrent beaucoup plus influencées par la présence arabe. Cependant, les Maures abandonnèrent très tôt (en 861) la région occidentale de la péninsule située entre les fleuves Douro et Minho, ce qui est aujourd'hui la partie nord du Portugal.

La région au nord du Douro fut reconquise par les chrétiens qui y ont établi de nouveaux royaumes. Cette région devint relativement autonome et forma le «comté de Portugal» appelé le "Condado de Portucale", lequel demeura sous la juridiction du royaume de León ou du royaume de Galice.

Au plan linguistique, les dialectes mozarabes couvraient au Xe siècle la plus grande partie de la péninsule ibérique. Il s'agissait de langues romanes grandement influencées par l'arabe et dont l'écriture était en alphabet arabe. Ce sont surtout les Andalous qui parlaient cette langue mozarabe appelée aussi l'aljamiado. Ce n'était pas une langue unifiée, car elle était fragmentée en de nombreuses variétés.

Les Mozarabes étaient considérés par les Arabes comme une communauté (chrétienne) repliée sur elle-même et imperméable à toute influence de l'islam. Les Andalous continuèrent d'utiliser le latin (en alphabet arabe) dans leurs cérémonies religieuses et l'utilisèrent comme un emblème de distinction privilégié du christianisme en terre d'Islam ibérique. Dans la vie quotidienne, les Mozarabes étaient en grande partie arabisés, même s'ils avaient rejeté l'islam.

Dans la péninsule Ibérique, le castillan demeurait alors une langue dont l'aire linguistique était fort limitée, et ne comptait pas davantage que le galaïco-portugais, l'asturo-léonais, le basque, le navarro-aragonais et le catalan. Voir à ce sujet la carte linguistique telle qu'elle pouvait se présenter au milieu du Xe siècle.

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<br /> Voir Blog(fermaton.over-blog.com)No.9 - THÉORÈME OSÉE. - La fin d'une civilisation.<br />
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