12 Mars 2010
Le Xin yi liu he est un style interne même si sa pratique et ses applications peuvent sembler externes, voire brutales. Comme pour de nombreux styles les origines sont très incertaines, et les légendes qui le rattachent à de grands personnages comme Yue Fei ou Ji longfeng (des militaires prestigieux) sont assez douteuses. Mais il est habituel de légitimer une nouvelle pratique avec les noms de grands fondateurs dans la tradition chinoise.
L’histoire récente du Xin Yi Liu He semble liée à la communauté des musulmans chinois, les Hui du Henan. Le document le plus ancien est la « Préface de la Boxe des Six Harmonies » (Liu He Quan Xu), écrit en 1750.
On en retrouve la trace un peu plus tard dans le Henan avec Ma XueLi qui transmis ce style au sein de la communauté musulmane de Luoyang. À la même époque naquit la branche du Shanxi (Zhong Nan Pai) rendu célèbre par Dai Long Bang, qui a écrit La Chronique du Xin Yi en 1786.
L’inspiration de départ dans les deux écoles a été d’imiter les mouvements les plus puissants de certains animaux. Le style se caractérise par des techniques simples, surtout au départ, et par l’absence d’enchaînements (Tao Lu). A ces techniques martiales externes furent incorporés des principes de la théorie des « Cinq Eléments » (Wou Hing). Les exercices répétés de techniques très physiques (positions basses) mais de plus en plus subtiles du Liu He (équilibre des six forces) ont abouti à la création d’un style original. Le perfectionnement du style s’est élaboré dans un cercle fermé pendant très longtemps.
Me Lu Song’gao, originaire du Henan, élève brillant, étudia à l’école de Yuan Feng Yi et devint héritier du Xin Yi Liu He Quan. Il était réputé pour sa puissance et sa capacité à vaincre ses adversaires en assénant un seul coup. Il s’installa à Shanghai où il enseigna au sein de la communauté musulmane, avant d’ouvrir son enseignement aux non-musulmans. À sa mort en 1962, ses élèves les plus anciens puis son fils Lu Shao Jun, furent chargés de maintenir vivante la tradition du Xin Yi liu He dans cette communauté; c’est de là que le style s’est diffusé dans le monde. Les pratiquants de Shanghai se remarquent assez vite par leur apparence physique imposante et par leur caractère qui l’est tout autant : franchise, générosité et courage sont au coeur de leur pratique.
Les élèves du CAMC à la mosquée de Shanghai
Au centre de gauche à droite:
Me Wang Mu Yin, Me Jung Yung Hwan, Me Lu Shao Jun, Me Pei Xi Rong
Le Xin Yi Liu He Quan signifie la boxe du coeur et de l’intention des six harmonies, un titre un peu long mais qui définit parfaitement la pratique. Par « coeur » il faut entendre le courage nécessaire à l’exécution du style qui propose toujours de rentrer directement dans l’adversaire. « L’intention » (yi) est la conscience des forces du corps dans tout le mouvement jusqu’à l’impact. Les « six harmonies », que l’on rencontre dans d’autres styles, sont les six directions contraires (haut – bas, avant – arrière, gauche – droite) que la conscience doit conserver pour renforcer l’équilibre et développer l’énergie.
Ce style se caractérise par deux principes convergents, celui d’économie dans les gestes et celui d’unité dans l’attaque. Principe d’économie car les techniques sont débarrassées de tout geste superflu, de toute fioriture, pour ne rien perdre de la force au moment de l’impact. En même temps l’apparente simplicité des techniques est trompeuse dans le sens où chacune comporte plusieurs parades et attaques possibles. Le corps comporte souvent des ouvertures au départ pour provoquer une réaction de l’adversaire, la parer et frapper dans le même mouvement. Une technique de Xin Yi Liu He comprend une succession coordonnée d’attaques (genou – coude, pied – poing, épaule, tête) qui sont le trajet de l’intention (yi). À la fin des mouvements la position très stable (Liu He) aligne le pied, le genou, l’épaule et la tête: c’est le principe d’unité. Le pratiquant rentre avec tout le corps.
Me Jung Yung-Hwan dans une position fondamentale du Xin Yi Liu He Quan
Apprendre ce style requiert énormément de patience et d’efforts, d’ailleurs il n’y a pas vraiment de méthode si ce n’est de travailler une technique particulière jusqu’à la comprendre complètement; c’est à dire y retrouver tous les principes du style. Il existe par contre des exercices préparatoires destinés à renforcer le corps (Gong Fa) et surtout la force des jambes comme le « pas du coq » (normalement c’est le « pas du poulet » mais c’est pas vraiment classe..). Le Xin Yi Liu He ne comporte pas de TaoLu à proprement parler, seule la pratique des techniques est importante. Il existe cependant une forme créée par Lu Song’gao, le Si Ba Chul, qui est plutôt un aide-mémoire ou une manière d’apprendre comment les techniques s’enchaînent.